(Mise à jour le 20 août 2024 à 22:42)
Une chronique de Violaine de Filippis Abate, avocate, journaliste et militante féministe1Voir l’article au sujet de Violaine de Filippis Abate sur Wikipedia.
Emmanuel Macron a annoncé dimanche 29 octobre 2023, sa volonté de modifier notre constitution, déclarant : « en 2024, la liberté des femmes de recourir à l’IVG sera irréversible ». Mais en grattant un peu sous le vernis, le projet de loi révélé ne correspond pas du tout à la création d’un droit fondamental à l’IVG. Encore une fois, nous sommes face à une tentative de tromperie communicationnelle.
En effet, le Président a précisé qu’il souhaitait ajouter à l’article 34 de notre constitution que « la loi détermine les conditions dans lesquelles s’exerce la liberté de la femme, qui lui est garantie, d’avoir recours à une interruption volontaire de grossesse ». Cela ne constitue en aucun cas la création d’un droit fondamental à l’IVG et n’est donc pas du tout suffisant.
D’abord, parce que proposer une insertion à l’article 34 revient à opter pour une sorte de fausse constitutionnalisation. En effet, cet article ne fait qu’énumérer les domaines dans lesquels le parlement possède la compétence pour légiférer. On y trouve par exemple l’enseignement et les successions. En conséquence, rappeler que le parlement détermine les conditions de l’avortement ne constitue pas la création d’un vrai droit fondamental à l’IVG, mais un simple rappel que ses conditions relèvent du pouvoir législatif.
Ensuite, il y a un problème de terme. Chaque mot compte. Le texte proposé mentionne « la liberté » d’IVG et non « le droit » à l’IVG. Or, la liberté consiste simplement à permettre à l’individu d’exercer une possibilité. À l’inverse, la consécration d’un droit revient, en tout cas théoriquement, à enjoindre à l’État d’en garantir le réel accès et ainsi d’en assurer l’effectivité. En ce sens, plusieurs spécialistes en droit constitutionnel ont rappelé qu’un droit fondamental reviendrait à consacrer un droit à l’IVG beaucoup plus contraignant pour l’État. C’est d’ailleurs pourquoi le terme « liberté » est celui défendu par le parti Les Républicains et notamment le Sénateur Philippe Bas qui expliquait déjà il y a plusieurs mois, que la liberté d’IVG permettrait de mettre l’avortement en balance avec la protection de l’enfant à naître, sans créer de droit absolu.
Une constitutionnalisation forte du droit à l’IVG pourrait se faire au sein d’une charte de l’égalité femmes-hommes, qui, au même titre que la charte de l’environnement, serait intégrée au bloc de constitutionnalité. Naturellement, la rédaction d’un tel texte demanderait un travail long et collaboratif des parties prenantes.
En conclusion, il est regrettable que les droits des femmes soient encore une fois objet de marketing politique alors que seul un vrai droit fondamental à l’IVG serait une consécration de nature à le sécuriser et à l’ancrer de manière autonome dans un contexte de montée du climat réactionnaire.