(Mise à jour le 20 août 2024 à 22:32)
1) La conférence de presse de Macron le 16 janvier dernier :
Il a décliné la formulation « réarmement » au moins 8 fois. Il l’a appliquée à de nombreux secteurs : économique, civique, moral, sécuritaire, militaire, et même démographique ! Un discours nataliste comme on en a connu d’autres, mais avec une connotation guerrière insupportable. Le corps des femmes n’est pas une arme de guerre. Le désir d’enfant ne se décrète pas. La même rhétorique est employée en Hongrie, on y limite l’immigration et on encourage la natalité des Hongroises. Va-t-on vers la même approche autoritaire et identitaire ? Il y a toujours eu un lien entre les logiques patriarcales, capitalistes, militaires et la domination sur les femmes.
Certes, on a appris début janvier que la natalité a baissé en France de 6,6 % en 2023 par rapport à 2022. Pour Hervé Le Bras, ancien président du COR « remercié » par E. Borne, directeur d’études à l’ EHESS, chercheur à l’INED, l’emphase de Macron n’a aucun sens et il n’y a pas d’ urgence. Les mesures envisagées, encore floues, seraient un grand plan contre l’infertilité (bilan de fertilité pour tous à 25 ans sachant qu’1 couple sur 4 n’arrive pas à avoir d’enfant), une refonte du congé de naissance, car seules 14 % des femmes et moins de 1 % des hommes y ont recours en raison notamment du faible niveau d’indemnisation (430 € au maximum). Le gouvernement étudierait la possibilité d’une indemnité proportionnelle au dernier niveau de revenus. Toutefois, il est raccourci jusqu’aux 6 mois du bébé et on ne sait pas si les parents pourront le prendre en même temps. Des discussions avec les partenaires sociaux seront indispensables.
Or, les Français ne font plus d’enfants pour de nombreuses raisons, dont la plupart n’ont pas été abordées le 16 janvier. La préférence du gouvernement va une fois de plus vers des solutions personnelles et non collectives au regard d’une situation économique et sociale de plus en plus dégradée : chômage, taux de pauvreté en augmentation, non revalorisation des salaires, problème du logement, services publics démembrés, maternités fermées, système de santé qui s’écroule, école publique à bout de souffle, causes environnementales responsables d’infertilité, recul de l’âge des maternités, faiblesse des modes de garde qui entraînent les grands-parents et surtout les grands-mères à en tenir lieu, celles-ci s’occupant aussi bien souvent de leurs parents plus âgés, inégalité de salaire et de carrière pour le même métier entre hommes et femmes, due entre autre à la maternité avec souvent une rétrogradation des conditions de travail à la reprise, importante charge mentale relative au foyer familial le plus souvent féminine, etc.
2) Inscription de l’IVG dans la Constitution :
Le planning familial rappelle depuis des années que la situation du système de santé, les déserts médicaux, l’effondrement de l’hôpital public, la fermeture de milliers de centres d’IVG, etc. augmentent les difficultés à avorter pour les femmes. La clause de conscience est de plus en plus invoquée par les soignants. Les femmes qui consultent Internet pour trouver des solutions à leur demande tombent de plus en plus souvent sur des réponses rédigées par diverses associations et militants fondamentalistes pro-vie, qui diffusent de fausses informations, des contenus dissuasifs sur le Web, les réseaux sociaux, ou via des lignes d’écoute, et profitant de leur désarroi, dissuadent les femmes d’avorter. Le 21 janvier dernier une marche a encore été organisée par les adversaires du droit à l’avortement, le jour où notre organisation manifestait contre la loi relative à l’immigration. Le planning familial avec le soutien de la fondation des femmes, a lancé un « tchat » en ligne pour informer réellement les femmes en matière de contraception et d’avortement.
La loi relative à l ‘IVG est encore un combat 50 ans après avoir été adoptée et, si rien n’est jamais acquis, l’inscription dans la constitution constituerait une protection plus importante.
- la proposition d’inscription dans la Constitution est issue d’un combat législatif initié en 2017 par des sénateurs PCF, visant à protéger un droit attaqué de toute part dans le monde et en France.
- A l’Assemblée : examen d’un premier texte, proposition transpartisane de la gauche, pour que le droit à l’avortement soit inscrit dans la constitution. Le texte passe largement fin 2022, avec les voix macronistes et même des voix RN.
- Au Sénat : le résultat est plus serré et la 1ère version est réécrite par la droite. Il n’est plus question de Droit mais de « Liberté » d’avoir recours à l’IVG, ce qui n’offre pas un droit fondamental opposable.
- Un projet de loi est déposé par le gouvernement qui propose le compromis suivant: «Liberté garantie d’avoir recours à l’IVG ».
- L’Assemblée a voté le 30 janvier, le Sénat votera fin février.
- Macron propose que si les conditions sont réunies, le Congrès (obligatoire pour l’inscription dans la Constitution) serait convoqué début mars 2024. il est nécessaire que trois cinquièmes des parlementaires réunis votent un texte commun à l’Assemblée et au Sénat.
- Mais depuis, le passage au Sénat n’est pas la formalité que Macron pensait. Le président du Sénat a lâché une « grenade » politique. En effet, Larcher vient d’affirmer que l’IVG ne serait pas menacée en France et assène que l’avortement n’étant pour lui qu’un droit social et sociétal, il n’a pas à être inscrit dans la Constitution. Cela nous confirme que pour la droite, l’IVG n’est pas un droit fondamental. Au-delà de ce coup politique, c’est la position personnelle de Larcher qui est exprimée. Il est déjà intervenu dans ce sens. Le mot liberté « garantie » est déjà trop pour la droite du Sénat.
Un parlementaire LR juge que le texte nuit à l’équilibre de la Loi VEIL, « en faisant primer la liberté de la femme sur la protection de la vie à naître » et que « la clause de conscience des soignants pourrait être remise en cause ». La gauche soutient ce projet malgré le fait qu’il ne reprend pas les termes qu’elle défend, et même si le texte est imparfait, car elle estime qu’il s’agit d’un signal important pour les femmes qui luttent à travers le monde, en faisant de ce droit un droit fondamental. Le débat parlementaire est serré, mais la formulation est acceptée en commission.