Les femmes retraitées

(Mise à jour le 13 janvier 2023 à 19:18)

Hier après-midi, l’union syndicale des retraité.e.s CGT du Val-de-Marne organisait une rencontre autour des questions d’égalité femmes-hommes.

Après une présentation générale, la Commission mixité s’est attardée sur la situation des femmes retraitées.

Sur près de 17 millions de retraité.es de droits directs en France, 52,3 % sont des femmes et malheureusement, les inégalités hommes / femmes perdurent à la retraite. Comment ?

La première violence subie par les femmes retraitées est que leurs ressources sont plus faibles en moyenne que celle des hommes retraités.

La commission mixité présentera lors d’une prochaine commission exécutive un diaporama qui l’expliquera. C’est pourquoi il n’est rappelé ici que quelques chiffres qui illustrent une plus grande pauvreté des femmes retraitées. [sources statistiques : Dress, Ined, ministère de l’intérieur, CGT Vie nouvelle, l’Humanité.]

La situation des 9 millions de femmes retraitées a évolué. Elle est différente selon l’âge et la situation familiale. 95 % des 60 ans ont travaillé, et les 2/3 ont eu une activité régulière. Cette génération a acquis plus de droits directs que les précédentes. Les divorces y sont plus fréquents : 75 % des cas sont demandés par la femme, mais avec des conséquences induites sur les droits soumis à la situation maritale. La pauvreté est surtout celle des femmes seules ayant élevé des enfants et les divorcées non remariées avec ou sans prestation compensatoire.

  • 90 % de la génération des 80 ans sont mariées ou veuves mais n’ont pas, pour le plus grand nombre, acquis de droits directs, en n’ayant pas ou peu cotisé et beaucoup de veuves touchent l’ASPA ((ASPA: concerne les personnes qui n’ont jamais ou peu cotisé (remplace le minimum vieillesse). Elle est soumise à condition. Plus de 50% sont des femmes qui vivent seules.
    Il faut la demander, âge minimum 65 ans, disposer de revenus inférieurs à 961,08 € mensuels au 01/01/2023, résider sur le territoire 6 mois / an, allocation différentielle et récupérable sur succession si celle-ci dépasse 39 000 €. La moitié des personnes renoncent à la demander.)) – Allocation de Solidarité aux Personnes Agées – soit 961,08€ au 01/01/2023.
  • Il n’empêche que seulement 60 % des femmes touchent leur retraite à taux plein, en raison de salaires moindres pendant leur activité, de métiers sous-rémunérés car « féminisés » : dans le social, le médico-social où le nombre d’accidents du travail des métiers à la personne est très important, le commerce, la restauration, les trois versants de la fonction publique (hospitalière, territoriale et d’État), du temps partiel imposé qui touche plus les femmes (80 % du temps partiel est occupé par des femmes), de carrières interrompues par la maternité ou pour élever les enfants, d’emplois précaires, du chômage, etc.
  • Les femmes travaillent plus longtemps en raison de ces carrières « fragmentées » qui provoquent une décote importante. Le projet de loi sur les retraites aggravera cette situation, les femmes ayant été les premières pénalisées par l’allongement de la durée de cotisation, nombreuses sont celles qui attendent déjà 65 ou 67 ans pour pouvoir liquider leur retraite. Dans le projet de loi annoncé, l’âge de décote est fixé à 67 ans, mais celui-ci était avant les réformes de 65 ans. D’autre part, parmi les personnes qui retravaillent après la liquidation de leur retraite (entre 400 000 et 500 000), beaucoup de femmes le font parce que leur retraite est insuffisante pour vivre. ((Voir l’article signalé par Mijo, d’Annie Jolivet, dans le numéro 672 d’Options « retraites : bataille sociale ». Des retraité.es cumulent travail et retraite. Mais il existe une grande hétérogénéité de leur situation, selon le genre, le niveau de diplômes, la catégorie socio-professionnelle. Des femmes travaillent entre 65 et 74 ans surtout par nécessité financière et 7/10 cumulent un emploi et une retraite. Mais pour 3 sur 10, le travail est leur seul revenu. 45 % des femmes en emploi à ces âges sont seules ou en charge d’une famille mono parentale contre 22 % des hommes.))
  • La pension moyenne des femmes de droits directs est de 1 145 € contre 1 924 € pour les hommes, soit un écart de 40 %. Avec réversion ((Réversion : 4,4 millions de retraité.es la touchent dont 88% de femmes. 1,1 million de personnes ne perçoivent que ce revenu, et 95 % sont des femmes.)) et majoration pour enfants, l’écart diminue, 1 339 € pour les femmes et 1 974 € pour les hommes (moins de veufs), soit un écart de 28 %. Pour mémoire, les salaires féminins sont en moyenne inférieurs de 23 % et à temps de travail équivalent, l’écart est de 16,8 %.
  • 54 % des femmes ont une retraite inférieure à 1 000 € brut, y compris en cas de carrière complète, contre 16 % pour les hommes. Le seuil de pauvreté en France est de 1 128 €, et la pauvreté ne diminue pas d’après l’observatoire des inégalités, elle touche 9 millions de personnes aujourd’hui. ((Seuil de pauvreté fixé par convention à 60% de revenu médian)).
  • 28 % des femmes retraitées perçoivent des minima sociaux pour cause de retraite trop faible.
  • Une piste revendicative est d’exiger la mise en place d’une pension de réversion du conjoint.e décédé.e égale à 75 % pour tous les régimes, sans condition d’âge ni de plafond de ressources et ouverte aussi aux couples pacsés. Des annonces devraient être faites sur cette question.
Les femmes âgées sont aussi victimes de violences en tout genre.

Les préjugés et les tabous sont encore puissants lorsqu’on évoque cette tranche d’âge. On pense que les femmes âgées sont moins victimes de violences. On a du mal à croiser le genre et la vieillesse. Or, les rapports de pouvoir dans la société patriarcale ne s’arrêtent pas avec l’âge. Des retraitées sont victimes de violences intrafamiliales verbales ou physiques : par des proches, le conjoint, et subissent aussi des violences sexistes et sexuelles.

  • Les femmes qui n’ont pas travaillé sont sans autonomie financière. D’autres ont travaillé, mais ont eu des métiers précaires, peu payés. Elles ont donc une plus faible retraite que leur époux dans bien des cas et le logement peut être un patrimoine commun objet de chantage. Des victimes ont du mal à parler de leur situation, car elles ont honte, ont moins d’amis qu’avant, la vie sociale s’étiolant à la retraite. Elles se retrouvent isolées, les enfants étant partis, face à un conjoint violent, situation d’autant plus difficile quand l’époux était violent lorsqu’il était jeune. Il ne s’adoucira pas avec le temps. Avec l’âge, les violences physiques peuvent diminuer au profit des violences psychologiques qui se répètent parfois tous les jours et l’emprise devient insupportable. Beaucoup de femmes n’osent pas porter plainte en cas de violences ou divorcer. Si monsieur ne veut pas vendre le logement, cela peut prendre beaucoup de temps et où se reloger ? L’équation standard devient souvent femme + divorce = paupérisation. À 35 ans on peut rebondir, à 75 ans on ne peut pas dire qu’on va retrouver un travail ! Il n’existe pas actuellement de structures d’accueil spécifiques qui permettraient de se reloger en dehors du domicile en attendant de régler la situation. Et comment une femme âgée non solvable pourrait-elle se reloger ?
  • Rappelons qu’il existe également une forte culpabilisation des victimes pour ne pas quitter un conjoint violent malade. Notre société pense encore que le soutien, le rôle d’aidant, au demeurant épuisant, est naturel pour les femmes, les hommes n’étant pas « programmés » pour assurer cette tâche !
  • La prévention est indispensable. Les salarié.es, auxiliaires de vie, infirmiers-infirmières qui interviennent auprès des personnes âgées à domicile doivent être formé.es au repérage des situations et connaitre les procédures. Mais y compris les médecins, généralistes ou spécialistes, et les proches, doivent être mobilisés pour combattre les préjugés et ne pas assimiler par exemple la violence du compagnon comme un aspect normal du vieillissement. Ils peuvent repérer les signaux, faire connaitre les organismes dédiés. Le mantra « vieillir à la maison » n’est pas toujours la meilleure solution. De même dans les institutions, comme les résidences autonomie ou les EHPAD, (personnes placées contre leur gré, chantages divers) ces questions doivent être abordées et une sensibilisation dispensée en plus de la sensibilisation à assurer contre les violences institutionnelles. ((Les personnes âgées vulnérables peuvent être victimes de violences dans les institutions. N’oublions pas le scandale ORPEA et autres, qui pratiquent des violences institutionnelles (les 3/4 des résidents sont des femmes). Quand elles manifestent un début de maladie dégénérative, leur parole ne semble pas crédible. On a aussi entendu parler de femmes âgées victimes de violences sexistes et sexuelles dans des EHPAD.)) et ((Les retraitées les plus âgées et les plus fragiles représentent la majorité des personnes seules à domicile et dans les établissements, les 3/4 des résidents sont des femmes victimes des pratiques d’exploitation du grand âge de certains groupes, au même titre que les agents salariés de ces institutions, qui sont principalement des femmes.))
De même, il n’y a pas d’âge limite pour les féminicides.
  • Les statistiques officielles relatives aux féminicides touchant des femmes âgées sont récentes. Passé 60 ans, ou tout au plus 70 ans, les recensements officiels ne les incluaient pas, rendant invisible le phénomène. Les premières enquêtes nationales répertoriant les violences faites aux femmes s’arrêtaient à 59 ans, celles du contexte de la sexualité à 69 ans. Aucune mesure spécifique n’est sortie du « Grenelle des violences conjugales » pour cette tranche d’âge.
  • Les chiffres sont désormais mieux connus, au 3919, numéro de téléphone de la plateforme d’écoute nationale destinée aux femmes victimes de violences : 10,3 % des appels proviennent de personnes âgées de plus de 70 ans. En 2020, d’après le ministère de l’intérieur, sur les 125 féminicides, 23 % ont concerné des femmes âgées de plus de 70 ans. 10 % des victimes avaient 80 ans et plus. Les agresseurs étaient âgés de 70 ans et plus. 23 % ce n’est pas rien ! et pourtant on ne parle pas de ce public. Aucune campagne de prévention nationale ne s’adresse à cette catégorie d’âge.
  • En outre, si cette situation dramatique est vécue sur l’ensemble du territoire, les 11 millions de femmes qui vivent en milieu rural cumulent inégalités de genre et inégalités territoriales. Près de la moitié des féminicides, quel que soit l’âge, ont lieu en territoires ruraux, alors que les femmes qui y vivent ne représentent qu’un tiers de la population féminine nationale. Tout le monde se connaît et il est difficile d’aborder les violences subies auprès de son entourage. L’isolement des femmes face aux violences conjugales, surtout des femmes âgées, en milieu rural, s’est encore accentué en raison du recul des services publics de proximité, de la généralisation du numérique opérée par les dits services, de la dégradation du système de soins (à qui s’adresser dans un désert médical ?), du peu de transports publics qui rend difficile l’accès à une institution si l’on souhaite porter plainte. Des territoires qui n’ont parfois pas de maillage associatif qui pourrait prendre le relais. Dans certains hôpitaux, il n’y a aucun psychiatre ni psychologue. (Un livre récent de Philippe Besson, « Ceci n’est pas un fait divers » souligne aussi que les enfants subissent un traumatisme très violent).
Femmes retraitées négligées par le système de santé.

Toutes les femmes sont concernées par le fait que si on trouve encore des gynécologues obstétriciens, 13 départements n’ont plus de gynécologie médicale, avec donc des problèmes aussi pour les retraitées. Cette tranche d’âge est moins bien protégée en matière de santé publique : les frottis et mammographies de prévention pris en charge par la sécurité sociale s’arrêtent à 75 ans, et la loi de finances 2023 ne prévoit pas de bilan de santé pris en charge au-delà de 65 ans pour les femmes et les hommes. Le dernier bilan de santé avant le départ à la retraite prévu par le projet de loi pour les métiers pénibles, aura lieu à 61 ans, alors que les salarié.es auront encore plusieurs années à travailler.

Revendications de la CGT, qui concernent aussi les hommes.
  • Egalité salariale : à travail égal, salaire égal. Ce qui permettrait, au delà d’abonder d’au moins 5,5 Mds d’€ les caisses de retraite, d’améliorer réellement les droits directs des femmes.
  • Augmentation des salaires et indexation des pensions sur les salaires.
  • La retraite à 60 ans, avec une pension égale à au moins 75 % du revenu d’activité pour une carrière complète. Elever le minimum des pensions au niveau du SMIC demandé par la CGT (soit 2 000 € brut) réduirait aussi la dépendance financière des femmes. Le projet de loi ne propose que 1 200 € brut par mois de minimum, soit 85 % du SMIC National pour une carrière complète.
  • Harmonisation des droits plus favorables pour tous les secteurs d’activité privés ou publics (par exemple, que la naissance d’un enfant compte autant dans le privé ou le public).
  • Revalorisation des métiers à prédominance féminine (3,5 millions de salarié.es concerné.es) ce qui rapporterait plus de 8 milliards d’€ à la sécurité sociale et reconnaissance de la pénibilité des dits métiers.
  • Comptabilisation des périodes de congés de parentalité comme périodes travaillées ouvrant des droits pour le niveau de pension. Le projet de réforme est insuffisant puisqu’il ne prendra en compte dans le calcul de la pension que le congé parental des femmes dans le dispositif carrière longue.
  • Reconnaissance des années d’études (pour le sourire, les femmes sont plus nombreuses à être diplômées que les hommes en France 🙂 )
  • Suppression du système de décote pour tous, les femmes étant particulièrement impactées par la décote.
  • Revalorisation de l’ASPA.
  • Création d’un service public répondant aux besoins de prise en charge de la perte d’autonomie et d’une sécurité sociale à 100 %.
  • Les aidants familiaux sont plutôt des aidantes, elles-mêmes retraitées, qui pallient bien souvent au manque de personnel et de structures adaptées, s’épuisent et les statistiques montrent que ces aidants décèdent bien souvent avant les aidé.es. Le projet de loi pour ces aidants est loin de refléter nos revendications d’un vrai service public, puisqu’il propose que les années passées comme aidants, jusqu’ici à perte pour les droits à la retraite si non travaillées, auprès d’une personne âgée ou d’un enfant en situation de handicap, soient comptabilisées dans le calcul des départs anticipés. On entérine encore la nécessité de l’aide familiale, et donc particulièrement de celle des femmes (même si cela améliorera concrètement certaines situations personnelles, cela ne résout pas le problème de l’absence de services publics dédiés et efficaces).

(Et on rajoutera entre nous, un vrai partage des temps sociaux, vie sociale – vie familiale ! )

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