(Mise à jour le 21 août 2024 à 11:19)
Trois questions à Pascale VATEL, secrétaire générale des Mutuelles de France, conseillère à la Caisse nationale d’assurance maladie (CNAM).
Les exonérations de cotisations sociales sur les salaires ou les « primes Macron » sont-elles des mesures favorables à l’emploi et au pouvoir d’achat ?
Assurément non. Ce sont des mesures qui creusent les injustices qu’elles prétendent combattre. Depuis 1993, pas moins de 24 lois ont instauré puis modifié et intensifié les dispositifs d’exonération de cotisations sociales patronales sur les bas salaires au nom de la sauvegarde de l’emploi. En réponse aux Gilets jaunes, le gouvernement a également ouvert la voie à une rémunération exceptionnelle sans cotisations sociales, patronales et salariales, qu’on a appelée la « prime Macron » cette fois au nom du pouvoir d’achat. Un dispositif élargi à d’autres mesures post-Covid avec la loi dite « pouvoir d’achat ».
Cette politique a pour apparence de protéger l’emploi et d’augmenter de façon aléatoire et, surtout, ponctuellement, le salaire net. Mais elle a surtout une réalité: faire baisser les dépenses consacrées aux salaires par les entreprises. C’est une politique trompeuse. Elle fait croire que l’on préserve la rémunération en cachant que l’on baisse drastiquement une partie de ladite rémunération à laquelle on ne fait souvent pas attention : le salaire socialisé. Cette part qui n’est pas directement versée à la fin du mois au salarié et est mise en commun pour financer de façon solidaire la protection sociale dont tous bénéficient.
Mais ces politiques n’ont-elles pas des effets bénéfiques sur l’emploi ?
Toutes ces politiques visent à réduire ce qu’ils appellent les « charges sociales » et opposent protection sociale et emploi. Un rapport de France Stratégie, un service qui dépend pourtant de Matignon, estime que, depuis vingt ans, cela n’a aucun effet sur l’emploi. Mais cela coûte « un pognon de dingue » D’abord 25 milliards d’euros par an et, aujourd’hui, autour de 60 milliards. C’est tout de même l’équivalent de 15 % du budget de la Sécurité sociale !
Ces politiques n’ont pas non plus contribué à augmenter les salaires. Elles ont encouragé les entreprises à maintenir les salaires bas pour bénéficier des exonérations. Quant à la « prime Macron » l’Insee pointe un « effet d’aubaine » de l’ordre de 2 milliards de report d’augmentations de salaires vers cette prime. Ça, ce sont les effets immédiats. Un autre, plus pervers, c’est le trou laisse dans les caisses de la Sécurité sociale, faute de cotisations. D’autant plus qu’entre-temps, l’Etat s’est autorisé à ne plus compenser toutes les exonérations de cotisations qu’il accorde.
Pourquoi une militante mutualiste comme vous s’Insurge-t-elle contre cette politique ?
D’abord parce que le « coût du travail » est une notion équivoque. On nous le répète sur tous les tons, c’est le travail qui crée les richesses et, d’ailleurs, on prétend nous faire travailler plus longtemps. Mais le travail mérite un salaire, qui comprend salaire net et salaire socialisé. Or, ce que l’on constate aujourd’hui, c’est que les richesses créées vont de plus en plus aux actionnaires sous forme de dividendes plutôt qu’aux salariés.
Enfin, aux Mutuelles de France, héritières des mutuelles ouvrières, nous sommes pour une sécurité sociale de haut niveau pour toutes et tous. Nous ne sommes pas là pour défendre une « part de marché » mais pour concourir à la protection sociale de toute
la population. Pour cela, il faut des financements à la hauteur des besoins. Je conteste donc cette politique trompeuse qui ne fait pas ce qu’elle dit et qui fait ce qu’elle ne dit pas.