(Mise à jour le 20 août 2024 à 22:52)
Une chronique de Jean-Christophe LE DUIGOU.
Il est habituel pendant l’été d’écouter plus attentivement le bulletin météorologique. Nos sorties, nos loisirs dépendent du bon vouloir du soleil et des nuages. Mais cette année nous avons dû porter notre attention sur d’autres données, la hausse des prix, le très modeste ajustement salarial, l’austérité budgétaire, la faible croissance économique, les dividendes records des sociétés du CAC 40…une série de données qui assombrissent l’horizon social.
Le temps se couvre pour les pays européens. Il y a d’abord la conjoncture générale d’autant plus importante que l’Europe est très dépendante des marchés extérieurs. La zone euro dépend pour plus d’1/5ème de son PIB des exportations. L’Allemagne joue un rôle central dans cette configuration grâce aux exportations de son industrie. Cette première place a été acquise tant par la désindustrialisation des autres pays de l’Union européenne que par l’utilisation d’une main d’œuvre bien formée dans les anciens pays de l’Est. Faute d’un relai pris par les débouchés internes le ralentissement et désormais les prémices d’une récession marquent la perspective. L’inflation est là pour rester. La crise énergétique est loin d’être terminée et le comportement des entreprises qui gonflent leurs profits crée les conditions d’une inflation durablement plus élevée qu’au cours des quatre dernières décennies.
En France l’immobilier est déjà dans la crise, les créations d’emplois s’essoufflent, les entreprises cherchent à accroître leur trésorerie. La consommation quant à elle est en berne ce qui s’explique par l’explosion du prix des produits alimentaires, + 20% en moins de deux ans. On comprend mal dans ce contexte les propos lénifiants de Bruno Le Maire arguant que « notre pays connaîtrait les meilleurs résultats économiques depuis 40 ans » !
« Le danger n’est pas simplement celui d’une mauvaise conjoncture, mais bien d’une nouvelle phase de désindustrialisation » pronostiquent les économistes de XerfiCanal. Une analyse qui vise juste !
La Chine est certes confrontée à ses propres problèmes. Cela ne l’empêche pas de nous tailler des croupières sur la plupart des marchés. Elle est même en train de « renverser la table ». C’est manifeste en matière automobile où après avoir engagé la reconquête de leur marché intérieur, les Chinois sont partis à l’assaut des marchés étrangers. L’automobile était devenue le point fort de l’industrie européenne, la voilà durement attaquée. Les Chinois sont devenus les 1ers exportateurs de véhicules au monde au premier trimestre 2023, dépassant pour la première fois les Japonais et surclassant durablement les Allemands.
Une seconde offensive vise l’Europe. Cette fois-ci, elle est initiée par les États-Unis qui cherchent à attirer les investissements des grands groupes multinationaux. Les aides apportées par l’Inflation Reduction Act (IRA) qui est entré en vigueur en août 2022 sont considérables. Combinées à un prix bas de l’énergie, elles représentent une aubaine pour les entreprises.
Dans ces conditions l’annonce macronienne d’une « conférence sociale sur les salaires » pourrait représenter une fenêtre dans un paysage automnal. Mais l’ouverture qui se concentrerait à la suite de la « rencontre de Saint-Denis » du 30 août, sur les minima de branche, ressemble pour le moment plus à une lucarne qu’à autre chose. En tout cas, elle se situe bien en deçà d’une lutte efficace contre la récession qui s’annonce. D’où l’interrogation : le Président ne s’agite-t-il pas pour mieux cacher qu’il ne demande rien aux entreprises qui empochent les bénéfices du retour de la hausse des prix ?