Tout comprendre à la réforme des retraites

(Mise à jour le 19 février 2023 à 14:33)

Source : L’Humanité

Comprendre la réforme

ÂGE LÉGAL DE DÉPART

C’est l’âge à partir duquel un assuré est en droit de partir à la retraite. Atteindre ce seuil ne garantit cependant pas aux travailleurs de bénéficier d’un taux plein : pour cela, il faut avoir cotisé suffisamment d’années. L’âge de départ légal est actuellement fixé à 62 ans, avec des mécanismes dérogatoires censés permettre des départs anticipés en cas de carrières longues, de pénibilité au travail ou pour certains secteurs spécifiques. Le gouvernement souhaite le repousser à 64 ans, après avoir un temps envisagé la borne de 65 ans. Quant aux partis de gauche, ils se sont accordés dans le programme législatif de la Nupes autour de l’idée d’un retour au droit à la retraite à 60 ans.

TAUX PLEIN

C’est le niveau de pension maximum auquel peut aspirer un travailleur au moment de la liquidation de ses droits. Dans le système actuel, il s’élève dans le privé à 50% du salaire de référence calculé sur les vingt-cinq meilleures années. Dans la fonction publique, il correspond à 75 % du salaire de référence calculé sur les six derniers mois. Pour bénéficier d’un taux plein, il faut avoir cotisé suffisamment d’annuités – le nombre exact dépend de l’année de naissance et doit atteindre 43 ans pour tout le monde en 2035, un calendrier que le gouvernement souhaite accélérer. Si un travailleur part à la retraite sans avoir cotisé suffisamment de trimestres, il subira une décote sur sa pension. A moins qu’il n’ait atteint 67 ans, l’âge d’annulation de la décote, auquel la réforme des retraites ne devrait pas toucher.

PENSION MINIMALE

Il s’agit du niveau minimal de pension versé aux retraités, que le gouvernement a annoncé vouloir porter à 85% du Smic, soit environ 1 200 euros. Ce dispositif, inscrit dans la loi depuis 2003 mais jamais appliqué, ne concernerait cependant que les assurés pouvant justifier d’une carrière complète, c’est-à-dire ayant cotisé suffisamment de trimestres. Le gouvernement assure que la mesure pourrait bénéficier à près d’un quart des futurs retraités. Attention, la pension minimale est à distinguer du minimum vieillesse, une allocation de solidarité versée aux personnes de plus de 65 ans dont les revenus sont inférieurs à 961,08 €.

PÉNIBILITÉ

Emmanuel Macron l’avait confié lors d’un déplacement à Rodez le 3 octobre 2019 : la « pénibilité », c’est un mot qu’il « n’adore pas » « parce que ça donne le sentiment que le travail serait pénible ». D’ailleurs, en 2017, le président de la République avait vidé de sa substance le Compte professionnel de prévention (C2P), créé en 2015, en supprimant quatre des dix critères qui permettent aux travailleurs effectuant un métier pénible de cumuler des points pour partir à la retraite de manière anticipée. Un dispositif inopérant, au point que seuls quelques milliers de personnes en bénéficient chaque année. Le 10 janvier, l’exécutif a annoncé plusieurs mesures pour améliorer le C2P (diminution des seuils d’exposition aux risques professionnels, augmentation de la valeur du point servant de base au calcul de la pension), mais elles sont jugées insuffisantes par les organisations syndicales. D’autant que le gouvernement veut supprimer les régimes spéciaux, dont l ajustificiation est justement la prise en compte de la pénibilité.

RÉGIMES SPÉCIAUX

Ce sont des régimes distincts du régime général qui reconnaissent la spécificité de certaines professions et permettent aux travailleurs concernés de partir à la retraite de manière anticipée. Une manière pour la société de reconnaître la pénibilité de leurs métiers (travail de nuit, 7 jours sur sept, travail physique…). Le gouvernement entend les supprimer, ce qu’il présente comme une « question d’équité ». Sont menacés, par exemple, les travailleurs de la RATP, les salariés de la branche des industries électriques et gazières (qui comprend notamment EDF, Engie et RTE), ou encore les clercs et les employés de la Banque de France. Dans toutes ces entreprises, le gouvernement prévoit que seuls les nouveaux entrants soient affiliés au régime général des retraites : c’est ce qu’on appelle la “clause du grand-père” déjà appliquée à la SNCF depuis la réforme ferroviaire de . Certains régimes spéciaux seront en revanche préservés par la réforme des retraites : ceux de l’Opéra de Paris, de la Comédie-Française et des marins pêcheurs, ainsi que les régimes autonomes des avocats et des professions libérales.

CARRIÈRES LONGUES

Créé en 2003, le dispositif carrières longues permet à ceux qui ont cotisé suffisamment de trimestres (cinq) avant l’année civile de leurs 16 ans ou leurs 20 ans de partir à la retraite de manière anticipée, à 58 ans ou 60 ans dans le régime actuel. Dans le système envisagé par le gouvernement, les personnes éligibles qui ont commencé à travailler avant 20 ans devront désormais attendre 62 ans pour liquider leurs droits. Si elles ont commencé à travailler avant 18 ans, elles pourront partir à 60 ans. Si elles ont commencé à travailler avant 16 ans, elles pourront partir à 58 ans, comme dans le système actuel. La réforme implique donc un allongement de carrière pour des personnes qui auraient commencé à travailler à 18 ans et pourraient être amenées à cotiser jusqu’à 62 ans. Mais « aucune personne ayant commencé à travailler tôt ne [sera] obligée de travailler plus de 44 ans », promet le gouvernement.

RÉFORME TOURAINE

La loi « garantissant l’avenir et la justice du système de retraites » a été définitivement adoptée en décembre 2013 et porte le nom de la ministre socialiste des Affaires sociales de l’époque, Marisol Touraine. Entrée en vigueur début 2020, elle prévoit d’augmenter progressivement le nombre de trimestres nécessaires pour avoir droit à une retraite à taux plein, à raison d’un trimestre par an, jusqu’à arriver à 172 trimestres (43 ans) en 2035. Un calendrier que le gouvernement entend accélérer, avec l’objectif d’atteindre les 172 trimestres dès 2027. Une telle mesure concernerait toutes les personnes nées entre 1964 et 1973.

INDEX

C’est la principale (et bien légère) mesure prévue par le gouvernement pour combattre le fléau du chômage des seniors : un index que les entreprises de plus de 300 salariés devront publier tous les ans, sur le modèle de l’index de l’égalité salariale entre les femmes et les hommes qui existe depuis 2019. Le contenu exact du nouvel index devra être déterminé à l’issue d’une concertation interprofessionnelle. Une chose est sûre : aucune sanction n’est prévue à l’encontre des entreprises qui ne respecteraient pas les “bonnes pratiques” en matière d’emploi des seniors.

CATÉGORIE ACTIVE

A l’image des policiers, des surveillants pénitentiaires ou des sapeurs-pompiers, certains fonctionnaires relèvent d’une catégorie dite active, ce qui signifie que leur emploi présente un risque particulier ou des fatigues exceptionnelles. Ils peuvent donc partir à la retraite de manière anticipée. Le gouvernement n’a pas prévu de supprimer ces catégories actives, qui représentent environ 19 % de l’ensemble des fonctionnaires, mais entend reculer de deux ans, pour elles aussi, l’âge légal de départ à la retraite. Par exemple, les sapeurs-pompiers devraient attendre 59 ans pour liquider leurs droits, alors qu’ils sont autorisés à le faire dès 57 ans dans le système actuel.

COR

Créé en 2000, le Conseil d’orientation des retraites (COR) est une structure « indépendante et pluraliste » composée de parlementaires, de représentants des partenaires sociaux, d’économistes et de représentants de l’État français. Tous les ans, il publie un rapport sur les évolutions et perspectives des retraites en France. Celui de 2022, publié en septembre, fait l’objet d’interprétations diverses parmi les partisans et les adversaires de la réforme des retraites, les premiers y voyant la preuve qu’une réforme est nécessaire pour préserver l’équilibre du système par répartition, quand les seconds le considèrent comme une garantie de la soutenabilité, à terme, de ce même système.

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