(Mise à jour le 21 février 2024 à 21:07)
Intervention de Hervé Ossant au nom de URIF (Union régionale d’Île-de-France – CGT).
Cher.ère.s camarades, Cher.ère.s ami.e.s
Après avoir semé la terreur en Algérie l’OAS, organisation criminelle d’extrême droite, va étendre l’insécurité sur le territoire métropolitain. Les attentats se développent et prennent de l’ampleur en novembre, décembre 1961 et en janvier 1962.
Le 7 février 1962, dix attentats au plastic sont commis à Paris par l’OAS suscitant une profonde réprobation dans l’opinion publique. Sont visés des personnalités politiques, des journalistes, des écrivains, des universitaires.
Le 8 février 1962, à l’appel des UD CGT Seine et Seine et Oise, de l’Union Régionale CFTC, de l’UNEF, du SGEN, de la FEN de Seine et Oise, une manifestation est organisée avec le soutien du PCF, du PSU, des Jeunesses Communistes, des Jeunesses Socialistes Unifiées de la Jeunesse Ouvrière Chrétienne et du Mouvement de la Paix.
60.000 manifestantes et manifestants en plusieurs cortèges calmes et pacifiques défilent autour de la Bastille. Alors que la dislocation est annoncée, des brigades spéciales d’intervention chargent sans motif avec une brutalité et une sauvagerie inouïes le cortège du Boulevard Voltaire à la hauteur du métro Charonne.
La volonté de tuer, pour l’exemple est évidente. Des centaines de manifestants sont sauvagement matraqués, jetés à terre, refoulés dans la bouche de métro. Sur la foule entassée, les policiers jettent des grilles d’arbres en fonte, les manifestants sont pourchassés jusque dans les couloirs d’immeubles, les cafés.
Nul n’est épargné, femmes, enfants sont matraqués sans discernement. Tard dans la soirée se dégage peu à peu le triste bilan.
Cette manifestation pacifique se solde par l’assassinat de neuf syndicalistes sous les coups des forces de police placées sous l’autorité de Papon, Préfet de police et Frey, Ministre de l’intérieur. Des centaines d’autres sont gravement blessés.
Ce 8 février la vie s’arrête pour Anne-Claude Godeau 24 ans (employé des chèques postaux), Fanny Dewerpe 31 ans (secrétaire Dactylographe), Suzanne Martorell 36 ans (employé de la presse), Daniel Fery 15 ans (jeune apprenti dans la presse), Jean-Pierre Bernard 30 ans (employé et dessinateur des télécommunications), Edouard Lemarchand 40 ans (employé de la presse), Hyppolite Pina 58 ans (ouvrier du bâtiment), Maurice Pochard 36 ans (employé de bureau) et Raymond Wintgens 44 ans (conducteur typographe).
La CGT riposte au drame de Charonne et lance un appel à la grève nationale.
Les 10, 11 et 12 février les actions, les protestations se multiplient. Après de multiples tergiversations, à l’initiative de la CGT c’est dans l’unité que toutes les organisations syndicales décident de faire du 13, jour des obsèques, une journée nationale de grève et de manifestations.
Le 13 février, en Région parisienne, toute activité est interrompue et un million de Parisiens rendent hommage au cours d’obsèques grandioses à ces 9 manifestantes et manifestants assassinées, de la République au Père Lachaise avec une protestation solennelle : paix en Algérie, droit du peuple algérien à son indépendance.
Ils avaient pensé briser la volonté des travailleurs par le meurtre et c’est tout un peuple qui se dresse. C’est un clair et ferme avertissement.
Les martyrs de Charonne ne sont pas morts en vain. L’histoire, une fois encore, a donné raison à la classe ouvrière et aux forces démocratiques. Un mois plus tard l’Algérie a pu accéder à l’indépendance le 19 mars 1962.
62 ans après, la République Française doit reconnaître le caractère criminel de la répression, par les forces de l’ordre placées sous l’autorité du préfet de police Maurice Papon, de la manifestation organisée à Paris le 8 février 1962 pour la paix en Algérie et contre l’OAS, qualifiée à l’époque par le ministre de l’intérieur Roger Frey d’organisation cherchant à « s’emparer du pouvoir par des méthodes que le régime hitlérien n’aurait certes pas désavouées » et composée de « fascistes » et de « revenants de la collaboration ».
Honte à eux !
Le massacre de Charonne s’inscrit dans une période plus large de brutalités policières et de luttes contre la colonisation. La plus sauvage des répressions est marquée par des dates comme :
Le 14 juillet 1953, sept manifestants dont 6 algériens sont tués par la police.
Le 17 octobre 1961, des milliers de manifestants algériens défilent pacifiquement à Paris, plusieurs centaines seront assassinés encore une fois par la police de Papon.
Nous sommes ici pour exiger justice et vérité par la reconnaissance par les plus hautes autorités de la France de ces crimes commis par l’Etat que fut Charonne le 8 février 1962 mais aussi pour le 17 octobre 1961.
Nous honorons aujourd’hui la mémoire de ces hommes et de ces femmes qui ont fait le choix ce 8 février de surmonter leur peur pour refuser le colonialisme et proclamer leur attachement à la démocratie.
En donnant leurs vies pour la justice, la liberté et la paix ces militantes et militants ont œuvré pour que vivent toutes les valeurs du progrès social d’antiracisme, de solidarité.
Celles-ci sont pleinement d’actualité au moment où tant de peuples souffrent. Où les guerres se développent. Nous continuons d’exiger un cessez-le-feu immédiat à Gaza et la paix qui passe par la reconnaissance d’un Etat palestinien plein et entier.
Les démocraties sont mises en danger par la montée des extrêmes droites dans le monde, en Europe et en France.
Nos gouvernements ne font qu’alimenter la bête immonde en ne prenant pas en compte la voix et les aspirations du peuple. La justice sociale est le seul chemin pour une société apaisée. Mais le système économique dans lequel nous vivons autrement dit le capitalisme est de plus en plus avide et violent pour préserver les plus riches.
De ce point de vue Emmanuel Macron est un zélé serviteur des tenants du capital. Pire il fait sauter toutes les digues républicaines.
La loi immigration en est un exemple parfait. Cette loi de la honte a été censuré pour les 2/3 par le conseil constitutionnel. La macronie dérive vers les idées d’extrême droite depuis plusieurs années. Ils ont même théorisé le match Le Pen/Macron. Rester au pouvoir est un impératif et ce quoi qu’il en coûte. Le président des riches connaît son camp.
Plus que jamais les forces de progrès de notre pays doivent travailler de concert pour une alternative au néolibéralisme. C’est une urgence absolue pour reprendre les rênes de notre avenir en commun. Le progrès social est l’antidote aux idées rances des fachos de tout poil.
Résister encore et toujours c’est le plus bel hommage à rendre à celles et ceux qui sont morts pour leurs idéaux.
A ce propos, la CGT a toujours été et restera au rendez-vous pour la justice sociale, la paix et contre tous les racismes.
Ainsi dès 1924, avait été mis en place une section Main-d’œuvre Immigrée (MOI) pour favoriser l’intégration des étrangers. Un service d’entraide, des structures associatives, sportives et culturelles, sont créées et donnent naissance à de fortes solidarités.
En 1936-1939 la MOI joue un rôle actif contre la montée du fascisme, notamment pour développer la solidarité avec l’Espagne républicaine.
A partir de novembre 1940 et la dissolution de la CGT ces groupes devinrent des pépinières de résistants.
C’est l’époque où le groupe Manouchian est démantelé en novembre 1943. Missak Manouchian est arrêté par les Brigades spéciales de la Police française. A l’issue d’une parodie de procès Manouchian et 22 camarades sont fusillés au Mont Valérien. Ils reposent au cimetière parisien d’Ivry.
Le 21 février prochain Missak et Méliné Manouchian vont entrer au Panthéon. Une longue période d’oubli va cesser. La contribution des résistants étrangers pour la libération de la France va enfin être reconnue.
Comme le disait Aragon dans son poème L’affiche rouge « 20 et 3 étrangers et nos frères pourtant » avec leur nom « difficiles à prononcer ». Mais en célébrant seulement Missak et Méliné, Macron les isole de leurs camarades et rompt la fraternité de leur collectif. Nous connaissons son cynisme habituel et la tentation sera grande de s’accaparer l’évènement.
C’est pourquoi un hommage militant sera rendu le même jour à l’ensemble des résistants de L’affiche Rouge par la CGT et le PCF. Cet hommage se fera à l’adresse de la dernière planque de Missak Manouchian au 11 rue Plaisance dans le 14ème arrondissement à Paris à 16h. Il y sera prononcé deux discours avec Sophie Binet pour la CGT et Fabien Roussel pour le PCF.
Soyons nombreuses et nombreux ce jour-là.
Résister encore et toujours.
Hasta la victoria siempré !
Je vous remercie.